Nous devions initialement rencontrer Xavier Siméon pour évoquer sa saison 2011. Après ses dix courses disputées en 2010, le pilote belge moto2 s’apprêtait à vivre une saison entière au guidon de la Moriwaki de la structure espagnole.
C’est malheureusement du retrait de la compétition de Holiday Gym, et par conséquent de sa mise à pied, que nous avons été contraints de parler, sans pour autant oublier de tirer avec lui les enseignements de sa première expérience au sein du grand cirque du MotoGP.
GH : Bien que n’étant que des chiffres, les statistiques ont malgré tout pour mérite de donner des éléments de comparaison et de mettre en perspective les résultats. Quand on regarde le palmarès de pilotes devenus un jour champions du monde 125, on se rend compte que par exemple Mike Di Meglio, en 2003, pour sa première saison, avait marqué 5 points en 16 courses, Julian Simon, en 2003 également, 4 points en 16 courses. Jorge Lorenzo, quant à lui, n’a pas été couronné en petite cylindrée mais, en 2002, il n’avait pu ramener que 21 points en 14 courses soit, si on le calcule sur 10 courses, un total de 15 points. Dès lors, quel regard jetez vous sur votre saison 2010 et vos 10 points en 10 courses ?
XS : Ce ne fut pas une saison facile ; ne sachant jamais si j’allais avoir l’occasion de disputer la course suivante, il m’était difficile de me projeter dans l’avenir. J’étais dans une situation telle que je devais considérer chaque épreuve comme une opportunité, une chance à saisir, avec pour obligation de réaliser un coup d’éclat, et ce dans le but de me faire remarquer afin de convaincre et de gagner ma place sur la grille 2011. Certains circuits convenaient aussi bien à ma moto qu’à moi-même, alors que pour d’autres je les découvrais. En moto2, les écarts entres les machines sont tellement faibles, que perdre deux dixièmes au tour a pour sanction immédiate la rétrogradation de quelques positions en course. De plus, si j’ai bien un point à améliorer, c’est ma faculté à réaliser un tour rapide en qualification, et sur ces circuits que je découvrais, ça m’a parfois handicapé. D’un autre côté, j’ai aussi réalisé de belles choses, et je pense notamment aux week-ends de Silverstone et de Misano, avant cette chute lors du dernier tour. Je reste aussi convaincu que j’aurais pu réaliser de meilleurs résultats si j’avais eu la possibilité de bénéficier de plus de sérénité avec l’équipe qui m’a accompagné à Misano, et notamment le chef mécanicien japonais avec qui j’avais développé un excellent feeling. C’est donc avec un certain optimisme que j’envisageais l’année à venir, vu que l’équipe qui m’avait porté jusqu’à ces bons résultats allait être réunie autour de moi. En résumé, 2010 ne restera pas un millésime pour moi vu qu’au final je n’ai pas pu disputer un championnat complet. Au départ, je devais courir dans le championnat espagnol avec quelques wild card pour le MotoGP, mais on a arrêté le CEV pour se consacrer au championnat du monde, pour finalement y revenir quelques semaines plus tard. Et me voilà maintenant sans team pour 2011.
Sachant que tu n’étais pas en mesure d’apporter une valise de billets avec toi, qu’est ce qui a motivé Holiday Gym à t’accorder un contrat portant sur trois années ?
Le team espagnol est né de la volonté du père de Yannick Guerra de permettre à son fils de disputer le championnat du monde moto2. Nous nous étions croisés dans le championnat Superstock et nous entretenions de très bons rapports. Sachant que Yannick ne pourrait pas immédiatement obtenir des résultats satisfaisants, son père, qui appréciait mon pilotage, pensa à moi pour servir de locomotive à son fils et au team, et ainsi nous faire progresser simultanément afin d’être en mesure en 2012 et en 2013 de nous battre pour la victoire. Nous nous sommes alors liés contractuellement sur un terme de deux saisons. Malheureusement, n’ayant pas d’entrées dans le cercle fermé du MotoGP, Holiday Gym a dû s’associer avec le team G22, ce qui eu pour corollaire d’obliger l’écurie d’aligner Fonsi Nieto. Du jour au lendemain, j’ai donc été contraint de disputer le championnat espagnol moto2 en lieu et place du championnat du monde. Cependant, afin de me conserver, ils ont décidé de prolonger mon contrat d’une année supplémentaire, en y ajoutant des clauses de rupture importantes de façon à me prouver la sincérité de leur engagement.
Après les essais de Valence, comment jugeais-tu le potentiel de ta Moriwaki ?
Aviez-vous essayé un nouveau prototype, ou était-ce simplement une version modifiée de celle utilisée tout au long de la saison écoulée ?
C’était en gros la même moto que celle utilisée tout au long de la saison, si ce n’est que nous avions décidé de tester quelques nouvelles pièces. C’est ainsi que nous avons pu rouler avec le bras oscillant utilisé par Tony Elias, champion du monde de la catégorie, sur les deux dernières épreuves, tester de nouvelles jantes pour alléger la moto, définir un nouveau set-up et le tout avec un relatif succès. Les rafales de vent ont rendu ces tests difficiles mais nous avons malgré tout pu réaliser de bons temps et améliorer ceux réalisés deux jours plus tôt lors des qualifications du Grand Prix. L’amélioration la plus perceptible était cependant la mentalité au sein du groupe. On sentait le dynamisme et l’envie de commencer 2011. Tout le monde semblait avoir pour objectif de briller et ce d’autant que le patron de Holiday Gym, Luis Guerra, nous avait, à plusieurs reprises, rappelé dans le box sa volonté de continuer l’aventure avec nous.
Après tout cet optimisme, comment as-tu appris cette malheureuse nouvelle ?
Je l’ai apprise de la bouche même de mon chef mécanicien japonais. J’étais assez incrédule, mais par la suite le team a envoyé son communiqué de presse à Alexandre Squartini qui rédige mes propres communiqués de presse et qui me l’a ensuite transféré. Personnellement je n’ai eu aucun contact avec le patron de Holiday Gym ou avec son team manager, Vanessa Guerra. J’ai tenté de les contacter mais mes appels téléphoniques sont restés sans réponse.
Avais-tu senti le vent tourner à un moment donné ?
A aucun moment ! Après la séparation d’avec la structure G22 et le retrait – forcé – de son fils Yannick de la compétition, Luis Guerra nous avait plusieurs fois contactés pour nous rappeler la force de son engagement, ou encore pour nous annoncer l’achat de nouveaux matériels logistiques. Si, avec l’équipe, nous avons un moment eu quelques craintes quant à notre avenir au sein de Holiday Gym, les diverses interventions de son patron avaient eu pour effet d’effacer ces craintes et de nous donner une motivation supplémentaire à mettre tout en œuvre pour apporter à la structure les succès escomptés. Maintenant, sa décision n’est pas seulement dramatique pour moi. A moins de deux mois des essais de Sepang, c’est toute une équipe qui se retrouve à pied, et je dois bien avouer que si je pouvais intégrer une structure avec toutes ces personnes formidables, ce serait vraiment une excellente nouvelle.
Parlons-en, de la saison à venir, quelles sont les possibilités qu’il te reste, sachant qu’à ce moment de l’année, la quasi-totalité des line-up sont bouclés ?
Pour l’instant, concrètement aucune, à moins d’être en mesure de mettre sur la table 800.000 euros.
Imaginons un instant que tu sois finalement, via tes sponsors ou via quelques moyens que ce soit, en mesure d’intégrer un team pour une saison complète, serais-tu prêt à intégrer une équipe qui ne te permette pas de te battre au moins aussi bien qu’avec la Moriwaki de chez Holiday Gym ?
Bien entendu et notamment pour mon sponsor – RTL – et puis si j’ai cette possibilité, je l’exploiterai dans le but de réaliser l’un ou l’autre coup d’éclat qui me permettra peut-être d’attirer l’attention de teams plus important qui seraient en mesure de m’offrir un bon guidon pour 2012. Je ne serais pas le premier à devoir passer par cette étape. D’autres pilotes l’ont vécue, et ça ne les a pas empêchés par la suite de remporter des Grands Prix.
Imaginons un autre instant que tu ne sois malheureusement pas en mesure d’intégrer une écurie Moto2, quelles sont les possibilités, à l’heure actuelle, qui se présentent à toi ?
Quand l’annonce a été rendue publique, j’ai eu plusieurs propositions en provenance du Superbike, du Superstock, et même du championnat espagnol, mais tant qu’officiellement toutes les possibilités ne seront pas éteintes pour la Moto2, je préfère ne pas y penser. Pour ma carrière et pour mes sponsors, c’est là que je dois me trouver et malgré cette fatalité, je veux continuer à y croire et je ne suis d’ailleurs en cela, fort heureusement pour moi, pas le seul.
Comment vis-tu cette situation, et surtout, comment la combats-tu au jour le jour ?
C’est évidemment une situation compliquée à vivre au quotidien parce que, de passer de l’assurance de rouler en championnat du monde à l’incertitude de rouler l’année prochaine, il y a une marge énorme. Je continue à m’entraîner dur avec mon préparateur physique, Frédéric Jeanmoye de chez StageMX, mais c’est certainement au niveau de la sérénité que le changement se fait le plus ressentir. Quoiqu’il en soit, et pour malheureuse que soit cette situation, je continue à y croire et je me prépare au mieux afin de pouvoir répondre à l’appel si une possibilité s’offre à moi. C’est au final la seule option qu’il me reste, et c’est avec énormément d’entrain que je m’y attelle.
Tout au long de cette interview nous avons été frappé par la détermination, la lucidité et la maturité de ce jeune pilote. S’il se serait bien volontiers passé de cette épreuve, sa force de caractère lui permettra, sans aucun doute, de la transformer en motivation et d’aborder la nouvelle saison le couteau entre les dents, si du moins l’occasion lui en est donnée. Toute l’équipe de MotoSpeedRace Magazine s’associe pour le remercier de cet accueil et lui souhaiter une très heureuse saison 2011.