Alors ça y est, Nicky est parti. Prendre sa tête dans ses mains, souffler un bon coup. En signe de tristesse, de dépit. D’impuissance. J’écris ces mots et je ne sais quoi mettre derrière. Depuis son accident, nous savions que ses chances de survie étaient très faibles. Mais nous y croyions pourtant, malgré tout. Parce que Nicky était un battant. Parce que nous l’aimions. Parce que c’est comme ça.
J’avais 6 ans quand Nicky Hayden est arrivé en MotoGP. Ses débuts en championnat du monde coïncidaient avec mes premiers pas dans l’univers de la compétition moto. J’ai grandi en le regardant rouler, évoluer, puis gagner. Je me souviens de sa première victoire à Laguna Seca, en 2005. Encore plus de celles décrochées en 2006, dont une – à Assen – au terme d’un superbe duel face à son compatriote Colin Edwards. Cette fameuse saison 2006 où, déjouant de nombreux pronostics, le carénage frappé du 69 est devenu numéro un mondial.
Beaucoup lui ont reproché ce couronnement, parce qu’il n’avait – soi-disant – pas remporté suffisamment de courses (deux dans l’année). Certes, mais il n’en est pas moins monté sur 10 podiums, terminant 14 fois parmi les cinq premiers avec un unique résultat blanc – et non de sa faute, puisqu’il s’était fait accrocher par son jeune coéquipier Dani Pedrosa. À lui tout seul, Nicky avait prouvé (ou plutôt rappelé) une chose : la régularité est l’une des clés pour qui souhaite devenir champion du monde.
Je me souviens d’une publication de Moto Journal datant de la même année, qui suivait le Grand Prix des États-Unis. L’introduction des pages sportives titrait : « Hayden fait le break, Rossi casse ». L’image qui l’accompagnait était celle d’un Nicky en larmes, simplement heureux de son triomphe. « C’est juste beau », dirait un certain Pascal Dupraz. Ça m’a marqué. Quelques mois plus tard, même scène à Valencia ; ce talentueux pilote de 25 ans devenait le premier à détrôner Valentino Rossi depuis la fin de l’ère des 500cm3. Récemment, l’Italien a tout dit de son ancien adversaire en une phrase : « Perdre contre quelqu’un que l’on apprécie rend la défaite plus agréable. »
C’était cela, le sentiment qu’Hayden dégageait. Celui d’un homme sympathique, souriant, chaleureux. Face à qui perdre n’est finalement pas si terrible, car on sait que l’on perd contre un « bon gars ». Qu’en dire de plus ? Je ne l’ai pas personnellement connu, ni interviewé. D’autres auront des mots plus justes, sans doute plus fins. Ma vision, mes souvenirs, sont ceux d’un enfant, d’un adolescent qui regardait les courses dans son salon, avec son père. Par la suite, j’ai croisé Nicky à plusieurs reprises dans les paddocks. Il me reste de lui une photo prise en 2011 au Mans : le soleil se couchait, il déambulait tranquillement, pantacourt noir et bob Ducati sur la tête. Une attitude simple et cool, qui reflète bien le personnage. Et un sportif accompli. Bref, un champion.
Depuis son départ de la catégorie MotoGP, nous n’avons cessé de nous tenir au courant de ce que devenait Nicky Hayden. Quelle joie de le revoir en GP il y a un an, d’abord chez Marc VDS puis avec Repsol Honda, où il disait avoir pris tant de plaisir. Plus grand encore fut le bonheur avec laquelle nous accueillîmes son succès de Sepang en Superbike, un retour à la victoire après une décennie de disette.
Ceci n’est pas un article ordinaire, ni un « billet d’humeur », comme on dit dans le jargon. Ce soir, ma plume n’est pas journalistique. Il s’agit simplement d’un texte de partage, celui de la manière dont je me souviendrai de Nicky. Nicky est parti, et c’est dur à encaisser. Il nous confiait, en février dernier, vouloir « devenir le premier pilote de l’histoire à gagner les deux championnats MotoGP et Superbike ». À titre personnel, j’aurais tant voulu que ce soit le cas.
Son frère Tommy a trouvé les mots justes : se souvenir lui heureux, donc sur une moto. Alors souvenons-nous. Aurevoir Nicky, et repose en paix. Merci d’avoir accompagné une partie de ma vie, et contribué à mon amour du sport. Je ne t’oublierai jamais. Nous ne t’oublierons jamais.