Et si son sang-froid habituel cachait cette fois une sérieuse envie de revanche?
Si tu pouvais revenir en arrière, que changerais-tu dans ta saison 2011?
Je ne peux rien changer, les choses vont comme elles vont. Il y a des moments où il faut prendre des décisions, et parfois on se trompe ou les choses ne vont pas comme on le souhaiterait. Il faut prendre en compte ce facteur, et aussi le fait que parfois chaque décision a une incidence sur le bilan d’une année entière, ou d’une vie entière. À l’avenir, je devrai changer certaines choses pour que ces décisions ponctuelles me soient favorables.
Qu’as-tu appris, cette année?
L’importance de cette prise de décisions, justement. Nous devons travailler mentalement et sur la moto, pour être prêts et pouvoir prendre des décisions concrètes – comme par exemple lorsqu’on démarre avec des pneus froids, lorsqu’on accélère, ou lorsqu’on passe aux stands pour changer de pneus, s’il pleut.
Crois-tu ne pas avoir eu trop de chance, dans les moments-clé des dernières saisons?
Non. Je pense que j’ai eu assez de chance, mais je n’ai pas pu disputer une saison complète. L’année passée, par exemple, j’ai commencé en sourdine et il m’a fallu du temps pour m’améliorer. Parfois je n’ai pas eu de chance, comme au Japon, où ma moto est tombée en panne, je suis tombé et j’ai souffert des blessures durant les deux saisons suivantes. On a besoin de chance, mais il faut aussi la chercher. On n’a pas de contrôle sur le hasard, mais on peut réduire les facteurs de risque.
As-tu été surpris par la différence entre le Lorenzo de 2010 et celui de 2011?
Oui, on a pu remarquer une certaine différence. Il était très rapide en 2010, et il se peut qu’au cours de cette saison des facteurs l’aient influencé : il avait désormais gagné un championnat, il était soulagé et – qu’on le veuille ou non – cela peut entrainer une baisse de motivation et d’ambition. Mais on peut retrouver son ambition en concourant. La moto qu’il a eu dans les dernières années était meilleure; il n’a pas gardé le même niveau cette année, mais il a fait un bon championnat.
Doit-on confronter les basses performances de Valentino Rossi à ses performances sur la Yamaha, ou à celles de Stoner sur la Ducati?
Tout le monde a beaucoup parlé de ça, mais personne ne sait mieux que lui ce que lui est arrivé, pourquoi il ne s’est pas adapté à la moto aussi bien que Stoner…En tout cas, Melandri et d’autres pilotes n’y sont pas parvenus non plus. La première réflexion qui me vient à l’esprit, sans avoir essayé la Ducati, est le fait que nos convictions peuvent nous jouer de mauvais tours, malgré l’expérience acquise. Lorsqu’on passe plusieurs années en pilotant une moto japonaise, on gagne beaucoup d’expérience et on pense que les choses doivent être faites d’une certaine manière, par exemple la mise au point, et qu’il faut continuer à travailler comme ça. C’est le cas de Rossi, qui n’était pas prêt à un changement si radical.
Quelle est ton opinion sur la libéralisation des essais? Les nombreuses sollicitations de Rossi et de Ducati ont enfin été prises en compte?
Tant que nous serons obligés de disposer d’un nombre limité de pneus, nous ne pourrons pas tester autant de fois que nous le désirons. La seule différence est qu’il y aura des séances pour les pilotes d’essai et que les pilotes titulaires pourront aussi y participer. Je ne pense pas que ce changement soit dû à l’insistance de Rossi. Au sein de la Commission, Rossi est un des pilotes qui apportent davantage de choses, d’autant plus qu’il est plus âgé – mais cette décision arrange tout le monde. Un joueur de tennis ou un cycliste peuvent s’entraîner tous les jours.
Que penses-tu du retour aux 1000 cc et de l’arrivée des CRT?
Elles viennent de débarquer, et elles sont inférieures non seulement en termes de moteur, mais aussi en termes de composants tels que les pneus, les freins, les suspensions… Tout l’ensemble est moins bon. Et les pilotes qui rouleront sur les CRT n’ont pas beaucoup d’expérience, sauf Edwards et De Puniet. Lors de cette première année, les différences seront importantes. On verra comment cela évolue.
Si entre une Honda officielle et le dernier pilote sur la grille de départ il y avait un écart de 2,5 secondes l’année dernière, cet écart va-t-il croître cette année? Est-ce que cela pourrait devenir dangereux?
Dangereux? C’est possible, d’autant plus qu’alors que dans un virage rapide il y a un écart de 2 secondes, cet écart augmente au fur et à mesure, et monte à 2,5 ou à 3 secondes. L’écart entre les MotoGP et les CRT sera d’autant plus important que celles-ci ne réussiront pas à garder un niveau constant jusqu’à la fin. Mais il faut être confiant, car on a déjà vu que la Moto2 a représenté un changement positif, et on espère que la Moto3 le sera aussi. Si je devais piloter une CRT, je ne serais pas très content : j’ai toujours roulé avec des prototypes très puissants et cela serait un pas en arrière pour moi.
Crois-tu que dans le futur, une équipe non-officielle (comme Red Bull en Formula 1) pourra gagner en MotoGP?
Les règlements changent, mais les monoplace restent des F1; par contre, les CRT m’ont donné l’impression d’être des GP2.
On apprend davantage quand les choses vont bien, ou quand elles vont mal?
On apprend toujours. Lorsque tout va bien, on analyse moins et on se laisse emporter par l’enthousiasme. Lorsque les choses tournent mal, on a tendance à valoriser davantage ses efforts, pour changer sa situation.
Après ton accident à Le Mans, tu t’attendais à un succès si éclatant pour Stoner?
En début de saison, on était trois aspirants au titre. Ensuite, moi j’étais hors-jeu, et Jorge a peut-être manqué deux ou trois bonnes occasions. L’autre n’a pas commis d’erreurs…
Stoner est-il l’adversaire à abattre?
C’est l’actuel champion, bien sûr il sera aux avant-postes. Il a toujours une bonne moyenne, sur n’importe quel circuit, et il sera toujours rapide.
Honda gardera-t-elle son hégémonie en 2012?
J’espère que oui. On espère préparer une bonne moto et commencer par de bons choix.
Que penses-tu du fait de devoir recommencer à piloter une 1000 cc?
Les essais se sont plutôt bien passés. J’aime bien les motos au couple généreux. La différence principale par rapport à une 800 cc, c’est qu’avec une 1000 cc on a plus de contrôle sur le gaz.
Le but est de commencer la nouvelle saison sans mauvaises surprises?
Le but est d’atteindre les objectifs que j’ai fixés pour cette année, car il est nécessaire de planifier sa stratégie. Mais une fois que la saison commence, il faut passer à l’action car on ne peut plus réfléchir à ce qu’il faut faire.
Ton entrainement physique va beaucoup changer, en passant à une 1000 cc?
La moto est assez « physique », à ce que j’ai pu constater. La roue de devant a tendance à se lever davantage, et il est plus difficile de la maîtriser sur les lignes droites, car elle roule plus vite. Il faudra y travailler.
La RC213V fonctionne comme la dernière version de la RC212V ou a-t-elle hérité quelques défauts de la 800 cc?
Non, chaque moto a son propre caractère. La Honda a le sien, la Yamaha a le sien… Même si la 800 et la 1000 cc se ressemblent beaucoup. La nouvelle version est plutôt bien équilibrée, exception faite pour la traction, qui est un problème pour tous et qui est liée aux pneus. Tout le monde se plaint du fait que ça glisse trop. Tant que l’on ne peut pas tester réellement sa moto et l’analyser aussi par rapport aux autres, on ne peut pas se faire une idée claire là-dessus.
Qu’est-ce que tu attends de Marc Marquez pour la saison prochaine, en Moto2?
Il a de très bonnes qualités. Pourtant, bien que Marc soit, à l’heure actuelle, le meilleur pilote de sa catégorie, on ne peut pas être sûr qu’il va gagner, car n’importe quoi pourrait arriver, vu qu’on ne peut pas tout contrôler.
Que vas-tu demander au Père Noël?
Simplement de la motivation pour être compétitif comme il faut en MotoGP. Rien que le fait de garder espoir me rend déjà plus satisfait.
Stay tuned!