Blessure, soins, retour : le cas Marquez expliqué par le Dr. Villamor



Sujet à une troisième opération de l’humérus, Marc Marquez « pourrait être en mesure » de disputer l’ouverture de la saison 2021 de MotoGP. Sa situation est compliquée, mais pas désespérée. Explications avec le traumatologue espagnol Angel Villamor.

Trois interventions chirurgicales, des plaques, des vis, une greffe osseuse… Marc Marquez traverse le moment le plus difficile de sa carrière, et il faut parfois s’accrocher pour bien assimiler ce qu’il se passe. À l’heure où sont écrites ces lignes, l’octuple champion du monde est à l’hôpital international Ruber de Madrid, où il a été opéré hier, jeudi 3 décembre. Son humérus droit, blessé depuis cet été, n’était pas correctement rétabli, en dépit de 4 mois d’inactivité. Il lui a donc fallu repasser sur le billard.

Les nouvelles nous arrivent d’Espagne, et ce sont les explications d’un docteur espagnol que nous allons mettre en avant pour essayer de vous faire comprendre ce qu’il en résulte. Nos confrères du journal As se sont entretenus avec Angel Villamor, traumatologue expérimenté et directeur médical de la clinique IQtra Médecine Avancée de Madrid. Il est également le délégué médical espagnol à la Fédération internationale de motocyclisme.

Pseudarthrose : le mal qui affectait Marquez

Tentons en premier lieu de comprendre pourquoi le Catalan a dû subir une troisième opération du bras droit, quatre mois après sa dernière intervention chirurgicale.

Opéré une première fois le 21 juillet (fracture de l’humérus), une deuxième fois le 3 août (la plaque qui avait été fixée s’est cassée), il souffrait de pseudarthrose. Pour faire simple, la pseudarthrose traduit le mauvais rétablissement d’une blessure, une absence de consolidation entre deux fragments osseux. Dans le cas de Marc Marquez, les os fracturés et traités chirurgicalement cet été ne se sont pas consolidés correctement. On décrète la pseudarthrose après qu’un certain temps de récupération ait été dépassé, quand on estime qu’il faudra « irréversiblement » intervenir pour améliorer l’état du patient.

Pour ce qui est de l’humérus, le temps donné pour évaluer la consolidation est de trois mois. Si passé ce délai, les os ne sont pas consolidés, « la pseudarthrose, l’humérus non-consolidé, risque de rester, et il faut faire quelque chose pour stimuler et faire que cela cicatrise ». Trois mois : c’est effectivement le temps qui avait passé quand les premières rumeurs de nouvelle opération sont survenues. « L’humérus de Marc était en pseudarthrose car il ne s’était pas consolidé après plus de trois mois et il fallait faire quelque chose », explique Angel Villamor. Un soin à base d’ondes de choc a été essayé, mais n’a pas porté ses fruits.

Le traitement réservé à Marc Marquez a donc été le suivant : la plaque qu’il avait lui a été retirée, et une nouvelle lui a été insérée, « avec laquelle, je suppose, ils ont essayé de rapprocher les fragments osseux et de les resserrer davantage ». Une greffe osseuse de la crête iliaque a aussi été pratiquée – on est venu lui prendre un peu d’os au niveau de sa hanche pour le mettre autour de la fracture.

La particularité de la greffe subie est qu’elle a été pédiculée, c’est à dire une greffe avec son propre vaisseau sanguin, amené à une artère proche de l’humérus. Un procédé qui rend la chirurgie reconstructrice encore meilleure. « L’objectif est d’apporter un os ayant une vie propre afin de susciter une activité plus réparatrice. La différence entre une greffe et une greffe pédiculaire est celle-ci : amener de l’os avec un apport sanguin afin qu’il ait plus de possibilités de stimuler la consolidation. »

Retour au GP du Qatar ?

Pour Marc Marquez, le compte à rebours est lancé : un peu moins de 4 mois (3 mois et 23 jours) séparent cette opération des premiers essais libres du Grand Prix du Qatar, coup d’envoi de la saison 2021 de MotoGP. Certains évoquent déjà d’un forfait. Mais Angel Villamor estime qu’il ne faut pas parler trop vite. « Si tout va bien, en deux mois, ou maximum trois, il devra avoir un cal osseux dans lequel il pourra confier pour faire des efforts et monter sur la moto. »

Oui, « il peut être en mesure d’arriver au début de la prochaine saison au Qatar », confirme le traumatologue. Mais il faudra pour cela que les astres s’alignent pour le pilote Honda. « Effectivement, quand un os a fait de la pseudarthrose et doit subir une opération comme celle-ci, il y a plus de probabilités que (le temps de rétablissement) soit retardé par rapport à une fracture récente. Il est plus probable que ce ne soient pas les deux ou trois mois dont nous parlons, mais c’est très difficile à évaluer. »

Un patient « normal » soigné avec des techniques, disons, réservées au grand public, ne pourrait pas faire une course de MotoGP quatre mois plus tard. Mais la qualité des soins prodigués à Marc Marquez, soulignées par Angel Villamor, pourraient lui permettre de gagner du temps. On sait aussi qu’il va disposer de la meilleure assistance possible pour se remettre sur pied – enfin, sur bras !

« Si une pseudarthrose de l’humérus est traitée avec la technique classique d’une simple plaque, il se peut que la formation du cal osseux soit plus lente. Mais en principe, si les choses ont été bien faites, et avec une technique si exhaustive qu’on a eu recours à une greffe osseuse, et surtout une greffe osseuse vascularisée, avec son propre vaisseau sanguin joint à une artère voisine, les délais sont généralement raccourcis. Un patient ordinaire ne se retrouve pas avec une greffe vascularisée comme cela a été le cas pour Marc, et il est plus probable qu’il en ait pour cinq ou six mois. Cependant, là ça s’est fait avec une technique très raffinée et nous devons être plus optimistes. Mais je ne suis pas non plus en désaccord avec ceux qui pensent que cela pourrait être plus long. »

« Nous n’avons pas à penser qu’il y aura des séquelles »

Avant de chuter, le Catalan dominait de la tête et des épaules la catégorie reine. Il avait établi un nouveau record de points en 2019, et sa remontée du Grand Prix d’Espagne a été magistrale, qualifiée de « leçon » par Johann Zarco. Après la question de savoir quand il reviendra, vient celle de l’état dans lequel il sera. Aura-t-on toujours le même Marc Marquez ?

Pour ce qui est du mental, du déclic dans la tête qui permet aux pilotes d’aller chercher les centièmes manquants, la réponse viendra en temps et en heure, quand il sera en piste. Mais Angel Villamor se veut rassurant sur l’aspect physique.

« C’est une chance que la fracture n’ait pas affecté l’articulation. Quand la fracture affecte le coude ou l’épaule, nous avons plus de doutes, parce qu’il peut y avoir des limites de mobilité ou de force après autant d’opérations. Mais comme il s’agit de la moitié de l’os, que cela n’affecte aucune articulation, nous n’avons pas à penser qu’il y aura des séquelles », explique-t-il.

L’autre « chance » de Marc Marquez est que son problème à l’humérus ne va pas l’empêcher de bouger le reste du corps, donc d’entretenir sa forme physique. Il ne pourra pas s’adonner à ses exercices habituels, mais ne sera pas inactif durant les mois qui le sépareront de son retour en MotoGP. Mieux que rien.

« Certes, avec ce bras il ne peut pas travailler les triceps qu’il utilise pour freiner, ou les biceps utilisés lors des accélérations. Mais en travaillant le reste du corps, l’épaule, l’avant-bras, la main, les doigts, le poignet et tous les muscles qui bougent, à l’exception des triceps et des biceps – qui devront être laissés prudemment au repos pour que la nouvelle plaque ne soit pas affectée –, je pense que Marc pourra être quasiment entraîné physiquement quand il voudra monter sur la moto. »

Source de l’entretien (espagnol) : As

Qatar 2021 : Pour Marquez, le compte à rebours a commencé

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Dominique FRONTELA
2 années il y a

J ai eu le même problème
2 interventions sur triple fracture de l humerus – vis cassé- greffe osseuse- 2 ans avec une attele
Une vraie galère !
Je souhaite qu il puisse récupérer !