Sur le podium pour la 140e fois de sa carrière au Grand Prix du Japon, Marc Marquez vit une saison difficile, si ce n’est sa plus difficile en dehors de sa blessure au bras. Il lui a fallu attendre le 10e rendez-vous de la saison en Autriche pour rallier l’arrivée pour la première fois. Pour comprendre, GP-Inside a obtenu à Motegi une entrevue exclusive avec l’octuple champion du monde qui n’en accorde que très peu durant une saison.
Tu as rejoint le MotoGP en 2013 avec un tout nouveau style de pilotage. As-tu dû le changer depuis ?
« Oui bien sûr. Je ne peux plus me battre contre la moto. Il faut suivre ce que la moto exige. Si je commence à me battre, elle bouge et ça détruit les effets de l’aérodynamique. Il faut juste suivre ce que la moto demande. Les choses que je faisais avant, comme les rattrapages, sont encore possibles, mais beaucoup plus difficiles. Pourquoi ? L’appui aérodynamique est plus important et il faut suivre la trajectoire. Je ne peux plus contraindre la moto à tourner parce que si je force, l’appui exercé sur les pneus est plus important et il est plus facile de perdre l’avant. »
Lors de ton retour de blessure, tu as dû découvrir et t’adapter aux carénages aéro, aux nouveaux systèmes (holeshot devices)… Qu’en penses-tu ?
« Les devices aident. En comparaison, en 2013, on passait le couple maximum en quatrième, et parfois, on avait même beaucoup recours à l’anti-wheelie. Aujourd’hui nous sommes déjà au couple maximum en seconde. Avec les devices et l’aéro, on cabre moins. Quand on regarde les images, par exemple à Valence en 2013, la dernière ligne droite, on la passait sur une roue et on slalomait justement pour limiter ça. Maintenant, en sortie de virage, on reste droit. La moto fait tout. Ça change parce que tout dépend de la moto… Et cela engendre le championnat que nous avons aujourd’hui. »
Penses-tu que cela limite les dépassements ?
« Le championnat est différent, mais il est différent pour tout le monde donc ce n’est pas une excuse. On ne peut pas faire de comparaison avec la Formule 1 parce que c’est un extrême, mais c’est vrai que les motos deviennent de plus en plus importantes et quand vous ajoutez à ça des choses techniques comme l’aéro, les devices, tout dépend davantage de la machine. La machine devient donc de plus en plus importante. C’est ce qui se passe sur la piste. Par exemple, en Catalogne, Aleix était plus rapide ? non. Toutes les Aprilia étaient rapides et il était le plus rapide d’entre elles, mais aussi Viñales, Oliveira ont fait une bonne course. En Inde, Honda a progressé ! Non, les pilotes n’ont pas progressé, mais la moto fonctionnait mieux sur ce circuit. Il y a trois Ducati en tête du championnat parce que c’est la meilleure moto actuellement, en termes de compromis. »
On connaît les difficultés de Honda aujourd’hui. De quoi as-tu besoin pour pouvoir rivaliser avec les autres constructeurs là maintenant ?
« C’est une question principale. Améliorer la stabilité au freinage, tourner en milieu de courbe n’est pas trop mal. Améliorer les sorties de courbe aussi, le grip arrière… Mais comment améliorer tout ça ? Je ne sais pas, je ne suis pas ingénieur. »
Aujourd’hui, il semble que la puissance, la vitesse de pointe ne font pas tout, le freinage devient désormais primordial. Est-ce la tendance ?
« Le freinage est l’un des seuls points sur lequel vous pouvez faire la différence. Ça devient de plus en plus important. Souvent, quand un pilote chute, c’est au freinage, mais pourquoi ça arrive ? Parce que c’est plus “manuel”, c’est à ce moment que le pilote doit gérer le blocage de l’avant, le feeling… À l’accélération, si tu as du grip et si tu es sur la trajectoire, c’est le set-up électronique qui fait tout. »
Le calendrier 2024 vient de paraître et affiche 22 rendez-vous. Qu’en penses-tu ?
« J’aime la course et on est payés pour ça, mais 22 courses et 22 sprints, 44 départs — parce que les sprints ne sont pas appelés “course”, mais ce sont des courses —, c’est trop. J’adore la course, mais c’est trop. Si vous regardez le ratio des blessures cette année, il y en a beaucoup et qu’est-ce qui a changé ? Les sprints. Durant le week-end, il y a beaucoup de moments où on est à la limite, et donc beaucoup de moments où nous sommes dans des situations risquées. Mais ce n’est pas seulement ça… Les week-ends demandent beaucoup d’efforts aux pilotes, cela crée beaucoup de stress, on est plus fatigué, et quand on est fatigué, on est moins concentré, et moins de concentration, ça veut dire plus d’erreurs et donc plus de chutes. Pour moi, 22, c’est un peu beaucoup, dans le mode que nous avons maintenant, le programme du championnat. »
KTM travaille en étroite collaboration avec son département F1. Penses-tu que Honda devrait s’en inspirer ?
« Honda essaye de comprendre la situation et ils sont les premiers à vouloir gagner de nouveau. De quelle manière vont-ils le faire ? Je ne suis pas la personne qui peut répondre à cette question. Je suis pilote. Je peux dire ce que je ressens sur la moto, ce que l’on peut améliorer, mais je ne sais pas comment l’améliorer, je suis pilote simplement. Je fais mon travail sur la piste. »
Un syndicat a été mis en place pour représenter les pilotes. Était-ce une nécessité en MotoGP ? Pourquoi avoir choisi Sylvain Guintoli ?
« Pour moi, c’est important d’avoir moins de mésententes et d’écouter davantage l’opinion des pilotes. C’est vrai qu’on se sent toujours respecté par le championnat, la Commission de sécurité, etc., mais ils ont quelque chose de similaire à ce syndicat en F1. Je fais partie de ceux qui ont soutenu ce choix parce que c’est un pilote et il a piloté une MotoGP il y a seulement deux ans. »
À suivre dans une partie 2 en ligne prochainement…