
La victoire d’Aleix Espargaro en Argentine est la récompense d’une vie de travail et de dévouement pour cet objectif. Pour reprendre les mots de Jorge Martin : « C’est la plus belle chose qui pouvait arriver. »
En MotoGP, il y a l’histoire et l’Histoire. L’histoire personnelle d’un homme, d’un groupe. Et la grande Histoire du sport moto. Le triomphe d’Aleix Espargaro, au Grand Prix d’Argentine, est de ceux où les deux se mêlent. Où le petit h se joint au grand H. Recette parfaite de ces journées qui deviennent mémorables.
Aleix Espargaro était, avant ce dimanche 3 avril, le pilote à compter le plus de départs en MotoGP sans jamais avoir gagné. Celui de Termas de Río Hondo était son 200e depuis le premier à Indianapolis, en 2009. Le 284e toutes catégories confondues depuis sa première apparition en championnat du monde, à Valence, le 31 octobre 2004. C’était il y a 17 ans, 5 mois et 3 jours.
C’est peu de dire que l’attente fut longue pour le Catalan, qui fêtera ses 33 ans le 30 juillet prochain, et que beaucoup désignent parmi les pilotes les plus travailleurs du plateau. Sa performance vient consacrer une vie de labeur, de sacrifices, de difficultés, de dévouement, d’abnégation.
Le chemin jusqu’à cette plus haute marche du podium n’a pas manqué d’obstacles, et il est épineux de résumer la carrière d’Aleix Espargaro en quelques lignes. Des débuts en 125cc à tourner autour du top-10, à une époque où certains pilotes de la catégorie apprenaient à peine à passer des vitesses. Quelques résultats intéressants en 250cc. Un premier passage en MotoGP courant 2009, sur une Ducati Pramac alors loin de ses prestations actuelles. Un transfert en Moto2 le temps de la campagne 2011, où il décroche le premier podium de sa carrière. Un retour en MotoGP, dans la fameuse catégorie « CRT » qui deviendra ensuite « Open ».
Trois années à lutter avec un matériel inférieur, et à obtenir des résultats surprenants – de nombreux tops-10, et même un podium en Aragon en 2014. Une signature chez Suzuki en 2015, qui revient en MotoGP après quatre ans d’absence. Une moto à développer. Des bagarres dans le top-10, mais des espoirs qui ne se concrétisent pas, pendant que son coéquipier Maverick Viñales le domine. Un passage chez Aprilia, sur une RS-GP qu’il lui faut là encore développer. Cinq années d’études, de travail, de pannes, de chutes, de résultats pas souvent au rendez-vous. Et une progression qui commence à faire du bruit.
Arrive enfin le premier podium à Silverstone, en 2021, au bout de sa 79e course avec la moto italienne. La récompense d’une demi-décennie où un chiffre résume toutes les difficultés rencontrées : 35 résultats blancs en 87 Grands Prix entre 2017 et 2021. Soit un chaque 2,5 GP.
La saison 2022 avait débuté sur un résultat historiquement bon à Losail : outre la 4e place, qui égalait sa deuxième meilleur performance avec la moto, les 2,242 secondes d’écart avec Enea Bastianini représentaient la plus faible différence jamais enregistrée par la RS-GP avec le vainqueur.
L’histoire état en chemin, et personne n’a pu l’arrêter à Termas de Río Hondo. Rapide dès la première séance d’essais libres (4e), Aleix Espargaro a terminé la seconde en tête. Puis est allé chercher la pole position, la première d’Aprilia en MotoGP, face à un Jorge Martin pourtant redoutable. Et avec la manière : en reléguant le troisième, Luca Marini, à 4 dixièmes. « Avant de prendre le départ, tout le monde me disait : ‘Tu as le rythme, c’est pour toi…’ Je leur disais : ‘Si vous voulez, qu’on me donne la coupe et je ne roule pas.’ Je n’avais jamais géré une telle situation », racontera-t-il dimanche soir.
Au départ, l’avant de sa machine s’est levé, et Jorge Martin lui a dérobé le holeshot. Pol Espargaro a aussi tenté de lui chiper une place, mais Aleix Espargaro a résisté et s’est installé dans la roue du leader. La suite : neuf tours d’observation, avant une erreur dans le dixième qui porte son retard à la seconde. Il n’ira jamais plus haut. Le pilote Aprilia en avait gardé sous le coude, et l’a montré dès qu’il a fallu revenir sur Jorge Martin en claquant immédiatement le meilleur tour en course.
Une première attaque au bout de la plus longue ligne droite du circuit est portée au 18e tour, mais il arrive trop fort et écarte dans le virage qui suit. Il retente sa chance une boucle plus tard, pour le même résultat. La troisième tentative, au 21e tour, est la bonne. Jorge Martin ne reviendra plus. « J’ai essayé de le pousser à la faute mais il ne l’a pas fait », expliquera-t-il. Non, parce qu’Aleix Espargaro ne pouvait pas fauter. L’histoire était trop belle pour ne pas être écrite. Il fallait que cela se passe comme ça. Il ne pouvait pas en être autrement. Il ne devait pas en être autrement.
Les larmes ont coulé de tous les côtés à l’arrivée. Sur le visage du héros du jour. Sans doute en Andorre sur celui de sa femme Laura, son plus grand soutien. Dans son groupe de travail. Chez ses fans. Et dans d’autres boxs du paddock, où tout le monde souhaitait cette victoire. « C’est la plus belle chose qui pouvait arriver aujourd’hui », s’est ému Jorge Martin, qu’Aleix Espargaro avait pris sous son aile quand il était plus jeune.
Aleix Espargaro n’a pas seulement écrit sa propre histoire ; il a aussi apporté ses lignes à celle, au grand H, du MotoGP. Et cela a débuté dès samedi, quand il a décroché la première pole d’Aprilia dans l’ère du MotoGP. La précédente de la marque italienne en catégorie reine remontait au Grand Prix d’Australie 2000, à l’époque des 500cc, avec le Britannique Jeremy McWilliams.
Ce faisant, les six constructeurs actuellement présents en MotoGP avaient désormais tous des poles à leur compteur. Manquait à faire qu’ils aient également tous au moins une victoire, Aprilia étant le dernier sur la liste à devoir gagner. Il y a désormais un trophée à Noale. Et pour compléter le tout, les 24 pilotes du championnat du MotoGP ont maintenant tous au moins une victoire, une pole et un meilleur tour à leur palmarès.
L’Aprilia RS-GP a enfin gagné, au bout de 126 courses. 244 en comptant une par une toutes les participations des onze pilotes qui en ont pris le guidon en MotoGP. Dans l’ordre : Marco Melandri, Alvaro Bautista, Michael Laverty, Stefan Bradl, Aleix Espargaro, Sam Lowes, Scott Redding, Andrea Iannone, Bradley Smith, Lorenzo Savadori et Maverick Viñales.
Dernier de cette liste, Maverick Viñales a également obtenu en Argentine son meilleur résultat (7e) depuis son arrivée chez Aprilia, en septembre 2021. Il rêve désormais d’imiter son coéquipier et de gagner à son tour. S’il y parvient, il deviendrait le premier pilote à s’être imposé avec trois marques différentes en MotoGP. Aprilia n’a peut-être pas fini d’écrire l’histoire du sport moto en 2022.
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