
Le double champion du monde MotoGP a pris la parole, ce vendredi, au Red Bull Ring et il n’a pas mâché ses mots concernant le championnat.
« Actuellement, nous entrons dans une ère où toutes les erreurs commises par la Formule 1 se répètent. (…) Vous avez les meilleurs pilotes du monde qui conduisent les motos les plus faciles à piloter au monde, et je ne vois pas en quoi cela m'intéresse ». Casey Stoner a donné le ton ce vendredi après-midi en Autriche.
En évoquant l’électronique, l’Australien a expliqué que cela pouvait constituer un problème en termes de sécurité. « Il ne faut pas s'y fier aveuglément. (…) C’est toujours un sujet très délicat, car les pilotes veulent une chose, tandis que les ingénieurs et les constructeurs en veulent une autre. Il y a donc toujours ce genre de débat, mais comme nous ne créons pas de motos de route à partir de celles-ci, je ne pense pas qu’il faille envisager de développer l'électronique autant qu'ils l'ont fait. (…) Vous avez près de 300 chevaux et vous pouvez tourner la poignée des gaz sans que rien ne se passe. (…) Vous n'avez plus aucun contrôle sur la glisse. Déjà, lorsque je faisais des essais, juste avant de tout arrêter, je n'avais plus le droit d'utiliser l'embrayage dans les virages, car cela perturbait le système. Il n'y a donc plus aucune place pour l'habileté dans tous les aspects. Je ne pense pas que ce soit plus sûr. Si vous supprimez tout contrôle à l'arrière de la moto, vous perdez toute crainte vis-à-vis de la moto, et vous commencez alors à pousser de plus en plus fort dans un seul domaine, à savoir l'avant. Et si vous perdez l'avant, ce qui arrive souvent, la moto revient sur la piste, et nous avons vu des accidents catastrophiques lorsqu’un pilote perd l’avant et que la moto raccroche. (…) Il faut donc arrêter d'ajouter tout ça, qu'on arrête de faciliter la sortie des virages, parce qu'empêcher la moto de faire des wheelings ou de se cabrer n'est pas une question de sécurité. C'est une question de commodité. »
« Il n'y a donc plus aucune place pour l'habileté dans tous les aspects »
« On est donc en quelque sorte limité par la façon dont les ingénieurs ont réglé la moto, l'électronique, etc. C'était déjà quelque chose contre lequel je me battais en 2012, je n'aimais vraiment pas piloter ces motos et le contrôle qu'elles m'enlevaient. Je me demande où est la logique dans tout ça. Ce n'est certainement pas pour la sécurité, car je n'ai pas vu ce championnat devenir plus sûr ces dernières années. Je pense que l'année dernière, et l'année précédente, la moitié des pilotes étaient blessés. Ce n'est pas plus sûr. Je pense qu'il est plus sûr de faire un high side avec une moto et d'avoir une petite blessure ou une petite frayeur car cela vous rendra un peu plus prudent. Mais quand vous n'avez rien à craindre et que vous faites simplement confiance, c'est là que les choses tournent mal. Le seul domaine qui peut vraiment faire une grande différence, c'est le freinage, où toutes les limites commencent à être repoussées. »
MotoGP et Formule 1, même combat ?
Pour lui, comparer la Formule 1 et le MotoGP est une erreur et cela remet en cause le spectacle. « Nous avons eu tous ces exemples dans le passé où ces choses n'ont pas fonctionné, et pourtant nous suivons toutes les directions de chaque problème que la Formule 1 a mis des années à éliminer. (…) Ces voitures sont grandes et larges, mais nous pouvons enfin voir des courses. Pourtant, avec ces motos, nous voyons moins de courses qu'auparavant. Yamaha a toujours eu un moteur souple et fluide, donc ils étaient très bons pour la gestion des pneus, très bons en termes d'adhérence, avec une vitesse élevée dans les virages. Il y avait Ducati qui était rapide, mais qui n'était peut-être pas aussi performante dans les autres domaines. Honda se situait quelque part entre les deux. Suzuki était performante au niveau des freins. Il y avait toutes ces différences. Ainsi, sur différents circuits, vous créiez des circonstances différentes. Et pour l'instant, c'est la guerre des clones. Tout le monde doit s'adapter à cette bulle. À moins d'avoir de gros budgets et de faire beaucoup de choses pendant l'hiver, ce qui nous ramène au problème de la Formule 1. Nous n'avions pas de problème pour rendre les courses intéressantes, mais nous avons créé ces problèmes. Et, vous savez, je veux voir ces incroyables caméras au ralenti montrer les dérapages. Je veux voir les pneus s'écraser et quelqu'un contrôler un wheelie en sortant d'un virage. Pour l'instant, il suffit littéralement de sortir, d'appuyer sur un bouton. (…) Tout est en quelque sorte fait pour vous. Ces pilotes sont incroyablement talentueux, mais nous devons le montrer, c'est certain. »
Le champion du monde MotoGP 2007 et 2011 s’est aussi prononcé sur les formats des week-ends : « Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles cela ne fonctionne pas. (…) Les pilotes n'ont pas le temps de s'entraîner, ils n'ont pas le temps de vraiment trouver les bons réglages pour la course, car tout ce qu'ils essaient de faire, c'est d'obtenir le meilleur temps possible pour remonter dans le classement. Quand nous avions un peu plus de temps, nous pouvions nous concentrer sur la mise au point de la moto pour le week-end et surtout pour la course. La course principale, c'est LE moment, elle est longue pour une raison : vous devez bien régler votre moto, vous devez comprendre si vous pouvez faire durer les pneus tendres, si vous allez utiliser les pneus durs, qui sont un peu plus lents. Il y a tout un tas de facteurs à prendre en compte. Et maintenant que tout le monde se concentre uniquement sur le temps au tour, on voit que les pilotes ont du mal à rester proches les uns des autres pendant les courses, car ils n'ont pas eu le temps de régler leur moto pour la course principale. (…) Il n'y a pas d'essais. Tout le monde se concentre sur les temps au tour, en essayant d'entrer dans le top 10. Et je trouve cela ridicule. »
Marquez, au dessus du lot
Casey Stoner s’est aussi exprimé sur la saison de Marc Marquez. Pour lui, s’il est aussi performant, c’est notamment parce qu’il pilote sa moto avec ses souvenirs passés : « Ce Marc semble avoir quelque chose en plus. Mais je pense que c'est le fait qu’il sache piloter une moto sans toutes ces commandes, grâce à ses souvenirs du passé. Je pense que c'est aussi pour cela que Dani Pedrosa peut venir faire une wildcard et être si rapide, car le pilote est toujours meilleur que l'électronique. Vous savez ce qui va se passer, quand la moto va déraper, vous pouvez trouver des points d'appui et de l'adhérence. Vous savez comment prendre soin des pneus… Toutes ces choses que la nouvelle génération n'a jamais eu à apprendre, car il suffit littéralement de tourner la poignée de gaz et les ingénieurs s'occupent de tout le reste. Je pense donc que Marc a trouvé un petit avantage sur tout le monde, car il sait toujours où se placer, où accélérer, comment prendre soin d'un pneu, car même si vous disposez de toute cette électronique qui couvre le problème, vous pouvez toujours avoir une longueur d'avance sur ces choses et trouver un peu plus que les autres. (…) Je ne pense pas que Bagnaia soit le seul à avoir des problèmes avec Marc. Je pense que c'est le cas de tout le monde. Tout le monde avait une chance de gagner des courses ces dernières années, mais aujourd'hui, personne n'a vraiment l'impression d'avoir beaucoup de chances, sauf dans des courses atypiques comme Le Mans, par exemple. »
Pour finir, l’Australien a indiqué que ce qu’il lui manquait c’étaient « les gens. Nous avons voyagé ensemble pendant tant d'années. On finit par former une famille. C'est probablement ce qui me manque le plus. », Mais aussi, « certains des circuits sur lesquels j'ai couru. Je n'ai pas couru sur un circuit depuis Valence en 2012. (…) Et la dernière fois que j'ai fait des essais sur une piste qui n'était pas sale, c'était probablement en 2017, 2016 ou 2017. C'est donc quelque chose qui me manque vraiment. Pas seulement l'opportunité de rouler, mais j'aimerais aussi rouler sur des motos plus anciennes. Ce serait certainement beaucoup plus agréable. »